Journal de traduction

La traductrice écrit. Ce n’est pas son travail. Ce n’est pas son travail?
Qu’est-ce qui se passe quand elle écrit? Qu’est-ce qui se passe quand elle traduit?

17 novembre 2017

Il y a une phrase que tu ne comprends pas très bien. C’est un peu gênant. Bien sûr tu comprends tous les mots. Et tu comprends le sens de la phrase, de manière générale. Mais tu réalises que le fait de « comprendre » ou de « ne pas comprendre » une phrase n’a pas le même sens pour la traductrice que pour les autres catégories d’humains qui parlent ou lisent ou même écrivent la même langue qu’elle. En tant qu’être humain « normal », tu comprends la phrase. En tant que traductrice, tu ne la comprends pas. Du moins pas assez pour la traduire, ou encore: pas assez pour comprendre ta propre traduction (dont tu vois bien qu’elle est pourtant correcte) de la phrase.

Tu réalises autre chose: cette relative « bêtise » de la traductrice n’est pas une simple « bêtise », mais la raison pour laquelle certain.es auteur.trices se méfient des traductrices (et des traducteurs). Et peut-être que le partage entre les auteur.trices qui se méfient des traductrices et celles.ceux qui les aiment a quelque chose à voir avec les caractéristiques narcissiques des auteur.trices. (Ça vaut aussi pour les éditeur.trices qui considèrent les traducteur.trices comme un mal nécessaire et les autres. Est-ce qu’il y en a d’autres?) Un peu comme le partage entre les hommes qui écoutent les femmes et ceux qui ont trop peur de ce qu’elles pourraient dire passe par la question du narcissisme de ces hommes. Pas seulement, mais aussi.